CHAPITRE 23

BUDA RENCONTRE PEST

Hongrie

Ces derniers chapitres racontent en bref une cavale à travers quatre pays, plus particulièrement leurs capitales et les environs.

Ces quelques semaines ont défilé très vite. J'étais sur un pilote automatique. Bien sûr, j'avais le mal du pays, j'étais fatigué et avec des carences nutritionnelles, comme ça peut arriver en voyage. Ça ne m'a pas empêché d'apprécier les dernières semaines de ce périple complètement fou.




Les déplacements en Europe, par rails surtout mais aussi par avion, sont d'une facilité déconcertante si on la compare à l'Afrique et même à notre pays.

Les animaux vont-ils au paradis?

Je suis arrivé arrivé à Budapest en 10 heures, très tôt le matin. J'en ai profité pour faire une sieste sous le soleil matinal, en compagnie de quelques itinérants dans le parc attenant à la gare.

L'auberge de jeunesse de Budapest est très typique et sympathique, pour qui comprend bien la promiscuité de la vie communautaire, avec ses irritants tout comme ses côtés amusants.  Je suis en train de m'inscrire à mon arrivée lorsque je vois passer un dos familier. Cétait Jean-Sébastien Matte. Il a fait son contrat à l'ambassade du Canada à Bamako et nous avons voyagé chacun de notre côté depuis. Sa belle Kathy est venue le rejoindre en Europe et ils viennent de visiter la Hongrie et la Pologne.


Avec Jean-Sébastien (2e de la droite) à Bamako.

Cela a lair anodin, mais les voir me fait sentir moins seul. De le voir surgir comme ça, fripé le matin, fut une expérience particulière. Quelles étaient les probabilités qu'on soit là en même temps?


L'auberge de jeunesse.

Je me suis vraiment reposé à cette auberge. Je ne bouge pas, mais pas du tout, pendant les premiers jours. Sur les murs du dortoir, une immense fresque représentant une scène africaine, des femmes au pilon, préparant le repas. Puis, les jours suivants, je maventure un peu dans la campagne hongroise

Un matin, pendant le petit déj, jai encore une discussion édifiante avec deux jeunes voyageurs, Étienne et Martin, 19 et 20 ans. Cette conversation impromptue a vite tourné sur les coïncidences qui se font nombreuses en voyage.

 Nous débattons longuement de l'origine des réalités matérielles, de notre place dans cette réalité, de la place des animaux au paradis. À cette dernière question, je tranche (!) en décrétant qu'ils n'y vont pas, parce que la créature doit être dotée d'une métaconscience et de volonté transcendante –comme les humains– pour faire ce choix.

Je leur raconte les grandes lignes de mon voyage. Ils m'écoutent attentivement, cela me flatte et me réconforte aussi. Je me réjouis de voir que mes histoires intéressent les gens, particulièrement quand ce sont des jeunes.  Je pense que c'est un aspect remarquable de la maturité, quand on trouve des âmes attentives. Pourtant, je nétais pas certain d'être intéressant! En tout cas, mon côté " éducateur " (car j'ai enseigné) y trouvait son compte.


Le Parlement.

Pendant le reste de la journée, Martin et surtout Étienne ont cherché à continuer l'échange. Alors j'ai fait cette "prière" intérieure:

OK, allons-y. À deux, essayons de dire des choses si possible transformatrices, en supposant qu'ils veuillent en faire quelque chose. Alors je l'aurai fait non seulement pour m'écouter parler mais pour leur apporter une chose (quoi exactement?) dont ils semblent avoir besoin, et puisque j'ai le désir de jouer ce rôle.

C'est ma façon de "soumettre" ma volonté à une volonté supérieure, de coopérer avec une autre volonté en qui je place ma confiance. Faut-il préciser que le résultat fut très concluant?

La baignade turque

J'écris à Montréal:

"Je vous avoue: autant je me sentais très loin de chez nous il y a trois semaines dans la jungle ivoirienne, autant tout ça me semble maintenant irréel. Ce séjour en Europe aura donc permis de me réintégrer dans "ma" société. Mais je pense qu'en voyant toutes mes photos, au retour, les sentiments confus vont me rattraper vite."

C'est ce qui sest passé, en effet. Au retour, devant les quelque 700 photos de cette aventure, je me demandais: est-ce que ça c'est vraiment passé comme ça?

Cette douce journée de juin, à Budapest, a été ma première vraie journée de pluie depuis huit mois, si j'inclus deux mois d'hiver à Montréal avant le départ.

J'ai visité le fameux bain turc du célèbre hôtel Gellért, situé sur la rive ouest (qu'on appelait jadis Buda, et l'autre rive Pest), l'un des six principaux de la ville, logé dans une énorme bâtisse plus que centenaire, un endroit plutôt fascinant.


Un endroit aussi fascinant qu'agréable.

S'y promener est comme se chercher dans un labyrinthe; presque amusant.

Les gros lions de marbre qui déversent l'eau dans la piscine, le plafond (ouvrant) fait d'un vitrail en mosaïque, les grandes colonnes. Les masseurs sont disponibles en tout temps, sauna vapeur très chaud à l'eucalyptus et un autre sauna divisé en trois sections (trois températures), deux grands bains, l'un à 36 degrés et l'autre à 38. Si on avait un endroit du genre à Montréal!

On sy baigne nu, bien sûr. Au pif, la clientèle doit être à 65% homosexuelle. Mais rien n'est écrit à nulle part à ce sujet. Pourtant, quand je vois arriver mon ami Rich Lassiter, un étudiant américain rencontré à l'auberge, il n'a pas lair embarrassé par quoi que ce soit. Il porte quand même un short de bain.

Budapest est déjà plus moderne que Belgrade, à seulement quelques heures de train. On sent Budapest émancipée. Elle commence à "lâcher son fou" et ça lui va bien.

Ici, comme ailleurs en Europe, dans cette ville de 2,2 millions d'habitants, les transports en commun sont mis en valeur. Les vieux tramways sont toujours en opération et très utiles dailleurs. Avec Rich, on se paye une ballade en yacht sur le Danube, une autre façon de jeter un regard sur cette cité fabuleuse. Porto inclut!

Un repas mémorable

Il faut glisser un mot sur ce repas extraordinaire dans un restaurant végétarien de Budapest dont j'ai oublié le nom. Une entrée de jus de racines de betteraves et salade " vitaminée ", puis de délicieux spaghettis aux fruits de mer. Le tout arrosé, attention, d'un merlot rouge hongrois absolument exquis. Pour dessert: crêpes aux fruits et à la crème vanille, servies avec un café aux céréales de maïs sucré au miel. Mon meilleur repas depuis des lunes.

Je suis sorti dans un bar "alternatif". En deux mots... La comparaison entre les bars de Belgrade et de Budapest est la même qu'entre les deux villes: on est pas mal plus dégourdi ici. Il faut dire que, malgré la relative proximité, ce sont quand même deux mondes assez différents.

Avec Rich, je décide de prendre le prochain train pour l'Autriche.

Mozart m'attend. Buda et Pest me manquent déjà.

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