CHAPITRE 20

"ÉVITEZ LA SERBIE"

Le puzzle serbo-kosovar



L’une des raisons pourquoi je suis resté quelques jours de plus à Thessalonique est la situation au Kosovo, prochaine étape du voyage. De nouveaux conflits menaçaient d’éclater dans cette région entre les Serbes et les rebelles séparatistes Kosovars.

À chaque jour, je me rendais dans un café pour éplucher les journaux. La situation était stable mais très tendue. Le site web du Canada disait d'éviter les déplacements dans cette région. Je craignais donc que les troubles surviennent pendant mon passage en Yougoslavie (NDLR: En effet des combats ont éclaté la semaine suivant mon séjour dans cette région). J'ai quand même décidé de prendre le train qui se rend à Belgrade via la Macédoine.

Anecdote: alors que j’étais assis à l’un de ces cafés, j’ai eu des vertiges et la vague impression que le décor gondolait autour de moi. Le lendemain, j’ai compris: un fort tremblement de terre de l’ordre de 5.0 est survenu sous la mer Adriatique, relativement près du nord de la Grèce où je me trouvais. Ça m’a rassuré, je pensais que c’était un nouveau tour du médicament antipaludique (Lariam)



Recommandations de l’ambassade

Le ministère canadien des Affaires étrangères quelques jours plus tôt à Athènes disait de ne pas aller en Yougoslavie. Certains m’ont dit qu’il ne faut pas trop s’en faire car l’ambassade canadienne "a l’habitude de se montrer surprotectrice envers ses citoyens à l’étranger. "  

Voici quelques extraits de ces renseignements consulaires aux voyageurs qui m’ont été faxés à l’auberge de jeunesse:

"Par suite des récents événements et de la tension croissante dans la province du Kosovo, on recommande aux Canadiens de reporter jusqu’à nouvel ordre tout voyage qui n’est pas absolument nécessaire dans cette région."

C’était moi, ça.

"Ces derniers mois, les tensions continues entre Serbes et Albanais de souche se sont aggravées à la suite d’une série d’attaques à main armée (...) Les risques de vols qualifiés et d’autres crimes se sont accrus, surtout dans les centres urbains. Les vols de voiture demeurent fréquents. Les aéroports sont maintenant ouverts aux vols internationaux, mais les services de trains et d’autocars sont périodiquement perturbés sans avertissement."

Quoiqu’il en soit, à la gare, on me jure que le trajet vers Belgrade est tout à fait sécuritaire.

"Les services bancaires sont encore limités" (...) Très limités en effet! Le pays, faisant alors l’objet de sanctions d’autres pays, doit conserver ses devises (les dinars) à l’intérieur du pays. Résultat: en arrivant à Belgrade, j’ai eu de la difficulté à en obtenir par carte de crédit, et il était impossible d’en acheter avec mes dollars américains.

Les forces serbes sont accusées de génocide. La Serbie est aussi accusée de procéder à un nettoyage ethnique. La guerre a repris. Plus de 34,000 soldats de l'OTAN sont en standby. La ville de Decani, 2,000 habitants, aurait été détruite par des tanks serbes.

Épître à qui?

Pendant qu’on est à Thessalonique...  Paul de Tarse n’a pas toujours été; génial mais il a eu de très bons moments, comme cet extrait de son premier Épître aux Thessaloniciens, chapitre 5:

"Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal, mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tout. Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse. Rendez grâce en toute chose. N’éteignez pas l’esprit. Ne méprisez pas les prophéties mais examinez toutes choses; retenez ce qui est bon."

J'adore les trains de nuit, cette fois vers Belgrade. J’y dors comme un fonctionnaire (si je peux m'allonger) alors que je n’arrive pas à fermer l’œil en avion, en auto, en autobus. Quelques jours après mon passage au Kosovo, de nouveaux conflits éclataient.

Dans les circonstances, je craignais que l’obtention de mon visa pour la Yougoslavie en guerre serait une mission ardue, sinon impossible. Jamais de la vie. À l’ambassade yougoslave de Thessalonique, le fonctionnaire m’assure qu’il me faudra "moins de temps pour avoir le visa en main que pour remplir le formulaire".


Le consulat de Serbie à Thessalonique

J’étais vraiment sceptique, mais il avait raison. Remplir le formulaire, sur le coin du comptoir, m’a demandé environ 7 minutes. Le visa, lui, était étampé dans mon passeport le temps d’une chanson à la radio (elles durent en moyenne 3 minutes 45 secondes). Le temps d’une clope.  Le fonctionnaire me précise que c’est habituellement simple, "surtout pour les Canadiens". Encore une fois, je constate la notoriété mondiale du passeport canadien. Encore une fois, pour être plus précis, je suis très très à l’aise, par les temps qui courent, de ne PAS être Pakistanais ou Algérien.


Deux extraits de chansons
 pour la suite (total 2m30)
"Last great amer. whale" (Reed)
"Know who you are" (Supertramp)
 "Last great american whale"
 Il s'ouvre dans un nouvel onglet.
 Cliquez et revenez ici.

Lou et les Amerloques

À Athènes la semaine passée je suis tombé sur la cassette de Lou Reed, "New York" et je la savoure depuis. Toujours hot le vieux Lou. Cet américain est parfois un dur critique de son propre pays, comme dans "Last great american whale":

"Americans don’t care for much of anything Les Étasuniens ne font attention à rien
They’ll shit in a river and dump battery acid in the stream Ils chient dans la rivière et versent de l'acide à batterie
And when they see dead rats wash off the shore, Et quand ils voient des rats morts sur la berge
they’ll complain that they can’t swim Ils se plaignent de ne pas pouvoir se baigner (...)
it's like what my painter friend Donal said: C'est comme mon ami peintre Donald a dit:
Stick a fork up their ass, turn them over, they’re done."
 Fout-leur une fourchette au cul et retourne-les, ils sont "done".


Il chante tout ça comme si de rien n’était, avec son timbre de voix légendaire et très très cool.

À chaque étape du voyage, je sacrifie une pièce de vêtements ou un article dans mon sac pour faire de la place ou pour m’alléger. Je vais revenir à Bruxelles avec le strict minimum.

L’avenir sera minimaliste ou ne sera pas.

 "Know who you are,
 there’s a world deep inside you.
 Trust, if you can,
 there’s a friend there to guide you."
(Supertramp, Know who you are)

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