CHAPITRE 19
LE VIEIL HOMME ET L’AMER, RÊVE ÉVEILLÉ
Grèce (suite et fin)
J'ai capté ceci, en croisière des îles.
À l'auberge, j'ai vécu un exemple concret rappelant l'expression "tendre l'autre joue" attribuée à Jésus. Expliquons d'abord le concept:
"Jésus de Nazareth s’opposait à la
non-résistance négative ou purement passive. Il dit: ‘si un
ennemi te frappe sur une joue, ne reste pas là, muet et passif, mais
prends une attitude positive et tends-lui l’autre; fais activement de
ton mieux pour ramener ton frère égaré vers la voie d’une vie
droite.’ Le fait de tendre l’autre joue exige de l’initiative
et une expression vigoureuse, active et courageuse de la personnalité
du croyant." (livre d’Urantia, p. 1770).
Ainsi donc, ce matin à l’auberge, dans notre chambre à
quatre places, mon voisin du bas est un
monsieur dans la soixantaine. Sans même dire bonjour, il m’a
"cherché" mais j’ai essayé de ne pas mordre.
Hostelling international au Square Omonia.
Voici, en gros,
l’échange que nous avons eu (traduction de l’anglais):
(Gros yeux)
Est-ce à vous toutes ces choses sur la tablette dans
la salle de bain?
(Moi, calmement) Oui.
Pourriez-vous les pousser un peu?
D’accord.
Vous savez, vous n’êtes pas seul ici.
(Volontaire) Je le ferai dans un instant.
(Marmonnements, puis peu après, plus doux:)
Il s’agit simplement d’utiliser une extrémité de la tablette et
ce sera très bien.
Aucun problème.
Hé bien, savez-vous quoi? Dans les jours suivants, nous serons devenus comme complices, à bavarder de tout et de rien. Faut
le faire!
Cet épisode est un
excellent exemple d’une attitude positive qui, appliquée à des
contextes plus larges, contribuerait à éviter des guerres.
Remarquons que je ne me suis pas soumis ou humilié face à
"l’attaque" de l’homme. J’ai simplement répondu à sa
complainte en désamorçant son attitude négative.
"C'est quoi ton problème?"
Maintenant, imaginez si j'avais répondu, à sa première question et ses gros yeux:
Oui, il y a un problème?
Puis à sa deuxième: Je vous dérange, peut-être?
Et enfin à sa troisième:
Non, en effet, je dois endurer un vieux chialeur mais j’ai pas choisi ma chambre!
Facile d’imaginer l’escalade d’impolitesse et d’agressivité. C’est ce qui se produit
invariablement quand un interlocuteur choisit ainsi de retourner à
l’autre ce qu’il lui sert, oeil pour oeil, dent pour dent, par fierté ou
autre orgueil.
Mykonos, vue de ma chambre. Désagréable, n'est-ce pas?
Je fais la morale? Peut-être. Depuis la
popularité du concept des droits et libertés des individus,
c’est mal vu de le faire. Et pourtant, l’Homme estune
créature morale, c’est même un aspect fondamental qui le
différencie du reste du monde animal, comme d’autres bizarretés pas sexy telles la pensée rationnelle, la philosophie, la métaconscience et les aspirations
spirituelles: cette irrésistible quête de l’absolu, de Dieu s’il en est.
Alors, utilisons-la, cette morale (et ces autres outils), d’autant
plus que notre morale personnelle ou collective correspond à une éthique,
un code de vie. Ce code de vie, cet amour, ne sont pas que de beaux
principes ; ils sont un pouvoir, parce qu’ils sont des règles
voulues par l’Univers.
En tout cas, ce sont des choses utiles, comme parfois dans une chambre d’auberge.
Autre anecdote d’auberge: un soir, écoeuré par les odeurs de vieilles
chaussures, je décide de craquer une ou deux allumettes avant
d’aller au lit. Mon autre voisin entre à ce moment et me demande: "Pourquoi tu fais ça, c’est ta religion?" Il ne blaguait même pas.
"Le hasard est l’habit que Dieu met pour voyager incognito"... Je reprends à nouveau cette réflexion que j’ai utilisée plus tôt,
elle est vraiment trop bonne.
Elle est attribuée à Albert Einstein, qui s’est peut-être le plus
rapproché de la méthode du Créateur avec son équation dont le sublime
n’a d’égal que la simplicité: E=Mc2. Effleurement de la
première pensée créatrice.
Einstein aurait dit un jour: "Ne sous-estimez jamais la stupidité humaine"
Il aurait dit aussi: "Je ne connais que deux choses infinies: l'univers et la bêtise humaine. Et pour l'univers je ne suis pas certain."
Mais ils sont nombreux, les scientifiques qui font ce cheminement: souvent, tôt ou tard, ils éprouvent le besoin de transcender leur science, d’où l’apparition (ou plutôt
la découverte) de la métaphysique et de la philosophie.
La recherche de l’absolu est innée dans le mental humain
normalement constitué. Cela rappelle la rivière qui cherche, par tous
les moyens et par tous les détours, à regagner la mer, sa source infinie.
I told you, that we could fly,
cause we all have wings,
but some of us don’t know why.
"Nous avons tous des ailes, mais certains ne savent pas pourquoi"
(INXS, Never tear us apart)
Ce "phénomène" des scientifiques s'intéressant à la métaphysique ou la religion soutient l’idée que la guerre religion contre la science estun faux débat, mais aussi une étape nécessaire dans
l’évolution du mental.
Maintenant, le vent tourne. On s’entend de plus en plus, tant chez les scientifiques que chez les religieux, sur
la nécessité d’unir ces deux visions.
L’éternité n’est pas impatiente comme nous. Elle a tout son
temps.
Chanson pour la suite: envoûtante Zamba (3m30) (B. Ferry)
Elle joue dans un autre onglet,
cliquez et revenez ici.
Vouliagmeni.
J'ai écrit ce poème l'autre jour à Vouliagmeni (NDLR: Ce fut le dernier à ce jour).
Poème très inspiré par "Zamba"; d'ailleurs je lui pique une phrase.
Éternités
Où cours-tu ainsi, mon ami?
L’éternité n’attendra-t-elle pas?
Pourquoi ce sourire inconscient figé? Ne sais-tu
donc pas?
Où est ta sécurité, où donc cours-tu, mon ami?
Et peux-tu me dire dans quel silence
Le seigneur s’est tu depuis le sacrifice?
Avons-nous droit au bonheur au pied de notre
propre crucifixion?
Où cours-tu donc, mon ami?
Toutes
nos duperies!
Un peu d’argent ici,
Une quelconque élévation
Et là quelques illusions.
Le silence des significations.
Arrête un peu ici, m’aimerais-tu un peu,
mon ami?
Pourquoi ne t’approches-tu pas?
Tes pas ne
touchent-ils jamais le sol?
Que te sert-il de courir, si ta douleur pèse à
l’infini?
Donne-la d’abord à celui qui t’aime.
Où cours-tu ainsi? Que pourchasses-tu et que
fuis-tu?
Et ta peur, quand est-elle apparue?
Arrête un peu ici et vois: toute
cette lumière
Pour nous, autour et en toi.
Regarde tranquillement la crainte s’évanouir.
Aime ton âme et son créateur, premier ordinateur.
Aime-moi aussi un peu.
Voici le temps de tout amour
Et le jour des miséricordes.
Voici la fin de la course aveugle,
L’avènement des significations
Et, de cette façon
Le début comme la fin de nos éternités.
Mykonos, la conscience nette comme l’acier
Le
point culminant de ce séjour en Grèce, voire de tout le voyage, fut
ce séjour de quelques jours à l’île de Mykonos, à six heures de ferry vers le
sud. La ville et l'île de Mykonos sont une immense carte
postale vivante. Les photos
suffisent difficilement à la tâche. Absolument tout est beau,
propre, coloré, accueillant. Tout est parfait.
Disons
que je n’étais plus "tout à fait tout à moi" mais que
je gardais en même temps une "conscience nette comme
l’acier" (Saint-Denys Garneau) du privilège qui m’était
accordé. Et c’est encore plus exaltant, la communion est plus
complète, quand est capable d’arrêter la "fête" quelques
instants pour rendre grâce, laisser son âme dire à l’Âme du
monde: En ce moment précis, je te suis reconnaissant.
Mykonos.
Je suis ensuite parti à moto, tête au vent, sur les routes sinueuses à travers la campagne
à la fois dénudée et belle, les moulins à vent étincelants de
blancheur, les innombrables petites chapelles disséminées ici et là,
ces plages fabuleuses. Risquons un vrai cliché: c'est un rêve éveillé.
Mykonos.
Tout le séjour à Mykonos sera magique,
mais je n'insiste pas trop, de crainte de donner à cet
ouvrage des airs de guide touristique.
Sur le bateau, j’ai remarqué un truc qui m'a frappé et que d'autres ont sûrement remarqué avan moi: le reflet du soleil, sur
l’eau, peu importe le moment de la journée, se dirige toujours vers celui qui
observe. Cela signifie que n’importe qui, à n’importe quel
endroit sur la même mer, profitera de la même vue.
En route vers Mykonos.
Thessalonique, étages et appentissages
Thessalonique est le deuxième port de Grèce et l’un
des foyers du christianisme. À mi-chemin entre Athènes,
au sud, et la Macédoine, au nord.
Évidemment, on arrive dans
une nouvelle ville, on est fatigué, nos bagages semblent peser 15
kilos de plus et notre chambre doit se trouver au quatrième étage. Sans
ascenseur.
J’ai
encore pris le train de nuit. Vraiment une idée géniale. Je n'oublierai jamais le train de nuit de Genève à Venise: tu t'endors dans une ville dortoir (Lausanne), un soir gris, et tu te réveilles sur la riviera venicienne ensoleillée. Ça frappe.
J’apprends
qu’en étant en contact plus étroit avec mon état physique et émotif, j’ai gagné en assurance. Exemple: à Bruxelles, j’étais confus et anxieux. Maintenant, je comprends que c’est la
fatigue qui cause cette anxiété, parce que dans
ces moments je me sens plus vulnérable.
Maintenant, je fais la distinction entre fatigue et anxiété et cela,
justement, réduit l’anxiété.
Je suis allé nager à la piscine
publique. Cela m’a été bénéfique. La météo continue d’être
magnifique. J’ai aussi pu travailler à deux cafés Internet.
On dit "voyage initiatique" car souvent, on apprend mieux quand on est déconnecté de notre milieu.
À ce stade du voyage, deux apprentissages ressortent
clairement. D’abord l’importance de l’humilité. Et je ne parle pas d'autoflagellation. Je veux dire placer un peu moins de confiance seulement en
soi, pour en mettre un peu plus dans l’autre et
dans l’Âme du monde.
Je
pense aussi à humilité dans le sens de ne pas présumer qu’on
comprend tout parce qu’on possède des diplômes.
De plus, l’humilité est
l’antidote infaillible contre l’orgueil, un poison mortel pour l’âme. Enfin, l’humilité dans le sens "oubli de
soi" est la condition essentielle pour vivre la
foi et pour connaître l’amour.
Deuxième
apprentissage: The more you let go, the more it comes to you
(plus tu lâches prise, plus tu reçois). Illogique en apparence,
surtout aux yeux du vaniteux contrôlant. Ça revient à parler de foi, de
confiance: plus on cherche à contrôler l'univers qui nous entoure, plus on le perd, et ses forces avec lui. Je pense que c’est ce que Jésus de Nazareth a voulu
exprimer quand il disait: "Celui
qui voudra sauver sa vie la perdra." Et aussi quand il
disait: "Il vous sera
donné selon votre foi." Ces enseignements illustrent des règles de l’univers: on ne
peut logiquement jouir d’une chose tant que notre volonté la nie, la
refuse.
Ces enseignements n’ont rien à voir avec la punition
judéo-chrétienne. Ils montrent la conséquence du comportement
égocentrique et orgueilleux dans un univers qui se veut Un.
Certains croient que les évangiles sont "passés date".
Pourtant, à toute époque, les vérités universelles restent vraies.
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