CHAPITRE 15

LE DIVIN DIALOGUE SILENCIEUX

Péninsule du Sinaï

  "Closer to heaven,
  longing to be...
  Closer to heaven,
  than you and me."
(Alan Parsons Project)


Des coquilles peuvent subsister dans cette version internet, et certains liens peuvent briser.

Le même commis voulait m’organiser un safari au Sinaï. Il m’amène voir son ami mais ça tombe à l’eau et je me fais rembourser. Une heure plus tard, il me propose de joindre un groupe en Beach Bug à travers les montagnes. Ça non plus ne marche pas, il paraît que le responsable du groupe est louche.

Enfin, tout se règle vers 23h: je me joindrai à deux touristes Français, Jean-Paul et Kathy. Avec Jamal, notre guide, un Bédouin, et son ami au volant, nous montons tôt le lendemain dans la boîte de la très vieille camionnette Peugeot. Inch Allah!

Le lendemain, il fait soleil, juste assez chaud. Nous prenons la piste qui se dirige entre deux énormes promontoires de roches de granit rose: l’entrée pour les montagnes du Sinaï.  On se demande comment le chauffeur peut s’orienter. Tout se passe dans la détente la plus complète. Même lorsque je dois descendre pour pousser la camionnette enlisée dans le sable fin, chacun trouve matière à rigoler, moi le premier.

Ces montagnes offrent un spectacle très singulier.
On se croirait vraiment sur Mars.



Vers midi, on s’arrête pour manger. Nos hôtes nous étonnent par leur habileté. Un ragoût aux légumes, ma foi, succulent. Et le pain... Ah !  Ce pain, cuit sur la braise du feu en dix minutes, un délice sans beurre ni cholestérol.



On fait la sieste sous un des rares arbres. Jamal a enlevé sa longue tunique blanche et son foulard.
Accordons-lui trois lignes. Ce jeune homme dégage ce chien mi-sauvage, mi-romantique auquel on peut s’attendre du type arabe (dans nos clichés?) Mince et musclé, élancé, basané, cheveux foncés et ces yeux d’ébène à la fois rieurs et dramatiques. Qui ne serait pas séduit?

Mais revenons à nos moutons (littéralement).


Le vent est doux. C'est le grand calme.
J'aimerais que ce moment dure.

Après la sieste, nous zigzaguons encore à travers les montagnes. Voilà un campement bédouin. Nous sommes accueillis par une femme et sa fille. On y prend le thé et on achète quelques bijoux en souvenir. Nous devons être aussi habiles que convaincants pour qu’elles acceptent de se faire photographier.
Toujours ce grand calme.



  Pour la suite, extrait de
  "Closer to heaven"
  Elle s'ouvre et joue
  dans une autre fenêtre.
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  chanson complète Youtube.

Aucune échappatoire possible

Nous grimpons sur un promontoire d'une centaine de mètres. Assez pour une vue superbe. Devant nous, les montagnes de roses. À l’est, le golfe d’Akaba qui nous sépare de l’Arabie Saoudite, qu’on aperçoit de l’autre côté.
Nous voilà au-dessus de tout.
"Closer to Heaven."
Aucun de nous ne parlera pendant un bon vingt minutes. Une sorte de communion.


"Closer to Heaven".

  Pause philosophique

Jamal brise le silence en racontant que jadis les différentes tribus de Bédouins s’échangeaient des messages au loin avec la fumée, comme les Indiens d’Amérique. Il se rappelle que depuis le temps reculé de ses ancêtres, on pratique la pêche dans le golfe.

Je lui dis que cet endroit devait être propice pour apporter la révélation à Moïse. Jamal me demande de préciser.
Je réponds :

- On pressent la présence de Dieu partout autour.
On ne peut plus se cacher derrière les bruits et les artifices.
Comment se soustraire à son regard?



Avec Jean-Paul et Kathy, nous discutons philosophie, du Livre tibétain de la vie et de la mort, du livre d’Urantia, la cinquième révélation d’époque, auquel je les introduis. À l'image des enseignements bouddhistes, ils voient Dieu comme une projection extérieure humaine à laquelle on s’en remet trop souvent. Je réplique qu'au contraire, je le vois comme une réalité à la fois distincte de moi et intérieure à moi. Ces deux entités essaient de coopérer, s’harmoniser. C’est ainsi que je vois le grand défi humain, voire de l’Univers.

Ils me rappellent de ne pas oublier de vivre le moment présent. Je suis d’accord, mais ils poussent un peu loin en me reprenant quand je demande à Jamal ce qu’il prévoit pour le reste de la journée! Néanmoins je réalise qu’on est d’accord sur plusieurs thèmes fondamentaux, malgré nos divergences sur la forme. Le seul vrai obstacle est qu'on donne des définitions différentes aux mêmes mots : foi, esprit, mental, Dieu. Mais une fois les définitions présentées, on constate qu’il y a  peu de différences entre notre perception et expérience de ce monde et surtout entre les espoirs que portent nos âmes.

Ainsi, on discute de l’unicité de plus en plus évidente entre les quelques grandes religions et les philosophies. En bout de ligne, elles visent toutes à utiliser l’outil qu’est le mental pour appréhender le monde matériel pour, enfin, le transcender vers le monde spirituel. C'est la finalité de la seule vraie religion, celle du cœur et de l’âme.

  Pause philo, suite: pas des marionnettes

Je ne suis pas toujours dans le moment présent. J’ai tendance à planifier; c’est un moyen de compenser pour ma grande distraction. Je suis quand même reconnaissant à chaque moment, pour ce moment. Je prends conscience que le succès d’un tel voyage ne dépend pas seulement de mes qualités; je sais qu’entrent en jeu des "forces" dont l’action échappe totalement à mon contrôle.

Malgré tout, je ne suis pas la marionnette de ces forces. En réalité, l’action divine se coordonne avec ma volonté, donc avec ma propre action. C’est bien ce dont il s’agit quand on parle de la fameuse synchronicité de Jung. Les actions "synchronisées" (les hasards) sont autant de manifestations de cette action. Mais nous y sommes tellement habitués... Je pense que pour prendre conscience de cela, il faut d’abord apprendre l’humilité.

Ainsi, la puissance de l’humilité et de la foi est un apprentissage que je me rappelle alors que nous revenons lentement, au crépuscule, vers Sharm.

  Fin de la pause philosophique

Après ces échanges, nous avons moins parlé. Peut-être pour réfléchir, faire décanter, une sorte de consubstantiation spontanée?

Il s’était passé quelque chose, c’est tout ce que je sais.

Vers 19h, Jamal nous amène sur un dernier promontoire où nous assisterons au plus beau des couchers de soleil. J’y ai pris ma plus belle photo en cinq mois (voir plus haut). Le soleil sur le visage et la tunique blanche de Jamal, le Sinaï enflammé derrière. On comprend mieux que l’ancienne Égypte ait inventé tant de divinités.

Demain, retour au Caire, puis Alexandrie avant de gagner la Grèce.

Mon Dieu, la mer Rouge est embrasée.



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