CHAPITRE 12
CÔTE D'IVOIRE, SAFARI, KAFOLON
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Vidéo 40 secondes.
Les lignes ferroviaires en Afrique de l'Ouest se sont beaucoup dégradées
au fil des ans. N'empêche, le train reliant Ouagadougou à Abidjan (Sitarail) est étonnamment agréable.
Ce matin je suis à la gare de Bobo, attendant ce tchou-tchou pas pressé, assez achalandé, faisant la très longue liaison ("environ 25 heures") entre Ouagadougou et Abidjan. J'y monte seulement pour le trajet de Bobo à Ferkessédougou; 260 kilomètres en six heures trente. Wow! (Note: plusieurs des wagons ont été fournis par le Canada.)
Comme dans presque tous les autocars, la climatisation y est devenue inopérante. Le train n'a qu'un petit 45 minutes de retard. Il fait chaud. J'ai très hâte qu'on avance, au moins pour faire du vent. Je suis en nage, je m'éponge souvent. La chaleur me cause une congestion des sinus, je prends des Sudafed. Bientôt, le convoi se met en branle. Nous garderons une bonne vitesse de croisière.
Le paysage est beau, je me demande ce qu'en pensent nos passagers clandestins sur le toit du wagon.
Il
y a un "wagon-restaurant". Au menu, vous
l'avez en mille: des sandwiches à la sardine ou au pâté et des
sucreries (Coke, Fanta, Sprite)! Me rappelant la galère de
l'entrée au Burkina, je redoutais de passer une nouvelle frontière. Mais
l'entrée en territoire ivoirien n'a rien de la paranoïa du Burkina. Quand même, nous
serons immobilisés une bonne heure et demi à la frontière. Tous les
passeports sont contrôlés. Le mien a suscité un certain intérêt du contrôleur. Je tiens toujours à mon estampille! Il
est près de 21h, nous toucherons Ferkessédougou vers minuit.
Tout compte fait, ce segment ferroviaire a été la plus belle partie du voyage
en Afrique jusqu'à maintenant.
Tiens, l'iconoclaste Ray Davies, des Kinks, chante, bien à propos:
"I'm not cheap, understand... Circumstance has forced my hand
To be a cut-price person in a low-budget land..." (Low Budget)
Ferkessédougou, ville-dortoir "cucaracha"
Quand nous arrivons à Ferké, vers minuit, plusieurs personnes
dorment sur le quai. On me recommande fortement de ne pas faire à
pieds la distance pourtant courte vers l'hôtel: je
me ferai agresser, c'est certain. Mon intuition me dit de suivre ce
conseil. Mais une demi-heure plus tard, un bon samaritain accepte de
m'amener en ville. Heureux de ne pas avoir à dormir sur le quai!
Je prends une chambre pas chère au
Relais Senoufo qui inclut la climatisation mais aussi quatre énormes cafards dont l'un qui m'espionne par l'overflow du robinet.
J'en ai des frissons dans le dos. Je leur fais la guerre.
Bilan: 4-0 pour moi, mais je dors quand même avec la lumière,
sachant que ces méprisables bêtes la détestent.
Le guide
Routard a raison: Ferké est une petite ville sans intérêt. Je veux
me rendre à Kafolon, petite ville à 140 km en brousse, vers l'est, où se trouve le
Kafolo Safari Lodge (Petit Futé).
Voir aussi cette vidéo Youtube (visite des lieux). Attention: un commentaire internet publié quelques années plus tard dit que c'est un endroit à "éviter absolument" et même qu'il serait fermé. Ce serait très dommage. Donc à vérifier.
Un chauffeur de taxi me
propose l'aller-retour à fort prix. Heureusement, je découvre peu après le Badjan, un minibus 22 places de Renault, qui fait la liaison deux fois par jour à mini-prix.
Quatre photos. Côte d'Ivoire: direction parc de la Comoë, loin en forêt, à bord du "badjan", poules incluses. Ne perdez jamais votre sens de l'humour.
Malgré ce prix très raisonnable, j'estime qu'avec les 28
passagers l'affaire est très rentable pour les proprios. On
ne le dira jamais assez: incroyable ce qu'on peut tirer de ces
vieux véhicules qui ont la vie dure dans les pistes de brousse.
Décidément rock'n roll, mais l'aller se fait très bien. J'étais
assis à l'avant. Une seule fois, pendant qu'on roulait, j'ai dû
lever le coude gauche pour qu'un type ajoute de l'eau au radiateur.
En cours de route, on arrête dans quelques villages.
Les premiers 95 km sont difficiles, notamment à cause des
récentes pluies, mais les 30 derniers sont beaucoup mieux, une fois
entré dans le parc national de la Komoë. La végétation est très
riche, et cela depuis le Burkina. Je commence à trouver
que je suis loin de chez nous. Pourtant, c'est loin d'être fini: dans six jours, transit en Belgique, dans
dix, l'Égypte.
Au Safari Lodge, c'était
plutôt calme. Le
premier soir, j'étais le seul touriste. J'en ai profité pour faire
connaissance avec le gérant, Daniel Évrard, un belge, "africain
depuis 25 ans". Je pense qu'il a ouvert un autre "lodge", en Namibie cette fois.
Au Safari Lodge, tenu par le Belge Daniel Evrard.
J'ai fait en sorte de me reposer. On y sert
de la bonne bouffe. Chère, bien sûr. Je vais parfois essayer la
gargote juste à côté au village, où il y a même un "dépanneur" rudimentaire. J'ai une belle chambre. Les
oiseaux chantent, je me rends compte que ça faisait longtemps que je
n'avais pas entendu ça.
Le lendemain, moi et Danny avons la visite de deux Allemands
qui se baladent à travers le pays en moto. On est allé voir les
hippopotames sur la belle rivière Komoë qui coule juste à côté. Très
prudemment, nous nous sommes approchés, mais pas trop, des
pachydermes: en Afrique, ils sont les animaux sauvages qui tuent le
plus. Étonnant, quand même. La rivière compte aussi des variétés de
caïmans et de serpents bien engraissés. Et dire qu'il y a à
peine trois centimètres entre le bord de la pirogue et le cauchemar.
Au Safari Lodge, tenu par le Belge Daniel Evrard.
Les hippos sont plutôt calmes, ils sortent peu de l'eau en
cette saison sèche. La grande saison des pluies commence dans une
quinzaine de jours. Mon objectif est d'avoir quitté l'Afrique avant cette date: j'ai oublié mon parapluie...
Le lendemain, une autre visite assez extraordinaire: un Cessna
en provenance de Abidjan, des invités de marque de Danny. L'avion se
pose sur une piste qui passe carrément à travers le village de
Kafolon. Tous les villageois sont là pour l'événement.
Au troisième jour, on compte une vingtaine de visiteurs sur
place. Je rencontre un jeune Japonais qui voyage seul. Il travaille
à Abidjan pour une compagnie d'import-export. Il me propose d'aller
faire un safari-photo avec lui, à bord de son 4x4 flambant neuf. Je
saute sur l'occasion.
Nous avons croisé quelques bêtes, notamment des bandes
d'antilopes nous coupant la route, quelques singes, plusieurs buffles que nous avons pourchassés et des hippos. Les lions, panthères et éléphants se font rares, ils se
cachent. Pas de girafes, elles ont disparu de la région.
Chasser l'éléphant avec des mines
Parmi les visiteurs, on compte des militaires qui viennent aider à la
lutte au braconnage sauvage qui est l'une des raisons
pourquoi la faune est moins diversifiée que par le passé.
Certains braconniers vont même jusqu'à faire sauter les
éléphants avec des mines en Tanzanie!
Dans cette région, les braconniers sont surtout des Lobi Burkinabé, à ne pas confondre avec les Lobi Ivoiriens, plus civilisés, dit-on, et qui
craignent les Burkinabé. Ces derniers, dans cette région de la Côte d'Ivoire, sont en surnombre et imposent leur loi.
Or, le gouvernement (ministère des Eaux et Forêts) n'a pas les
moyens de protéger adéquatement le parc, les gardiens n'ont pas de gazole pour leurs véhicules, etc. C'est pourquoi des Français sont arrivés
hier pour intervenir. Leur seule présence dans les parages a un effet
dissuasif sur plusieurs bandits. Une solution pourrait être
appliquée bientôt : on va créer un espace restreint de 7 km par 15 km
où les touristes pourront chasser moyennant de grands frais, surtout
si la bête abattue est une femelle. Ces sommes serviraient à la lutte
au braconnage.
Ce matin, il y a eu un violent orage, la
première pluie de la grande saison. Mais sa violence est surtout au
niveau du vent et de la pluie, non du tonnerre ou de la foudre.
Aussitôt, cela a apporté une fraîcheur et allégé l'air, contrairement
aux pluies du Mali, le 12 février et le 18 avril.
Le téléphone ne fonctionne pas. Je ne peux pas appeler Bamako pour
confirmer mon avion vers Bruxelles que je dois prendre dans 48 heures. On me dit que
je ne pourrai pas appeler de Ferké non plus; peut-être de Sikasso, à 24
heures d'avis. (Finalement je le ferai de Bamako même, à moins de 12
heures du départ.)
Chanson pour la suite:
"
Further to fly" (3m40) P. Simon
Album: "The rythm of the saints".
Elle joue dans un autre onglet.
Cliquez puis revenez ici.
C'est avec plaisir que je passerai quelques jours à Bruxelles. Je comprends mal les gens comme Danny qui restent longtemps dans des endroits comme ici.
Bamako à Bruxelles. Le calvaire.
De Kafolon, j'ai repris le Badjan vers Ferké, direction Bamako, via Sikasso. Je ne savais pas ce qui m'attendait. Cette
fois, j'étais complètement à l'arrière, tassé dans un
coin. Un calvaire de quatre heures. Faut croire que j'aime souffrir. Comme j'ai mentionné, cette enfilade de petites souffrances me retomberont dessus bientôt.
À Ferké,
il pleuvait un peu; le soir tombait. J'avais un avion à
attraper dans 36 heures à Bamako. On y arrivera à 7h, donc un total de 22 heures de Ferkessédougou à Bamako.
"Que veux-tu, c'est
l'Afrique!
Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit, malgré le confort du car.
Mon
retour de Côte d'Ivoire fut le même cauchemar que l'aller (excepté le train), en pire.
J'étais découragé... mais persévérant ("roll eyes").
Disons
les choses clairement: je
commençais à avoir assez de mon voyage en Afrique. Il faut dire
que je ne l'ai pas vécu dans le confort et la facilité. Pendant le trajet vers Bamako, ma réaction a été la carapace émotive, une sorte de pilote automatique avec pour seul objectif Bamako.
En conséquence, mon arrivée à Bruxelles fut le jour où j'étais le plus épuisé de toute ma vie. À quelques jours d'un retour à Montréal, ou alors la suite... en Égypte. Tout dépendra de ma capacité à me "recharger". De fait, je vivrai une grande renaissance en Égypte.
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