CHAPITRE 10
"QUE VEUX-TU, C’EST L’AFRIQUE!"
(Bougouni, Sikasso, Bobo-Dioulasso)
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D’un
pas décidé je me
rends ce matin à la gare d’autobus de Bamako m’acheter un billet
pour Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, via Bougouni et Sikasso. "Seulement" 600 kilomètres... Ah ! Je prends d'abord un billet au Syndicat des transporteurs
national (STN) mais je change pour la Somatra, plus sérieuse. Les
petits cars de la STN n’inspirent pas confiance.
Finalement je voyagerai sur Zanga Transport. À peine mon billet en main et mon sac lancé en vitesse dans la soute à bagage, 15 minutes tout au plus, et nous étions partis. Le vieil autocar allemand est encore très potable, même si je n’ai pas de fenêtre. Inutile de dire qu’il n’y a plus de clim dans ce car depuis un bail. N’empêche, je m’amuse, presque.
Nous
arrêterons d’abord à Bougouni, dans deux heures, puis à Sikasso,
troisième ville du pays, une heure plus tard. Vitesse de croisière,
environ 80 km/h. Nous serons ralentis par les contrôles routiers, à peu
près aux 45 minutes, et les nombreux gendarmes (dos d’âne). À
Bougouni, on arrête 15 minutes pour manger. Mais vraiment, vraiment
quinze minutes!
Jamais vu telle démonstration de ponctualité depuis mon
arrivée en Afrique !
À ce resto près de la halte il ne faudra donc qu’un quart d’heure pour commander, être servi, manger, payer et se rasseoir dans le car. Pour 12 personnes! Plus impressionnant que n’importe quel McDo ou même les meilleurs guichets "service à l’auto". Ces voyages en car à travers le pays ont ceci d’amusant qu’au moindre arrêt nous sommes attendus par des femmes et des enfants qui viennent nous vendre par la fenêtre et à bout de bras, des sachets d’eau, (dji suma be!), des cakes, des fruits (surtout des mangues), biscuits, cigarettes, papiers-mouchoirs et même du poisson, du lait caillé sucré (spécialité africaine). On ne manque jamais de rien, je m’en rends compte et cela me rassure. Un peu.
Mais je continue de dire que le paysage est plutôt monotone, sauf la végétation qui se fait plus dense aux 100 kilomètres, puisque nous roulons sud-est. Les cabanes en banco et en chaume, les moutons, les poules, les femmes qui bossent et les hommes qui les regardent. Plus ça change, plus c’est la même chose! Le car de jour, me dit-on, a ceci de bien qu’on arrive à la frontière du Burkina avant qu’elle ne ferme vers 18h30. Du moins c’est ce que j’ai cru!
Je ne comprends pas: aux toilettes publiques de la gare de Sikasso (ou Bamako?), quelques "trous turcs" entre quatre murs et pas de toit, il y avait de la merde sur les murs. Pourquoi on ne nettoie pas? Question sincère.
Entre
Bougouni et Sikasso, le temps se couvre. Je ne suis pas habitué. Il
fait carrément frais; j’en suis presque consterné, pas de blague. En
plus, ne l’oublions pas, je n’ai pas de fenêtre. Mais ça sent
bon, il a plu. Je suis un nouvel homme.
Cependant,
le voyage se corsera franchement à partir de Sikasso.
De quoi virer fou
Voici le résumé de la folle escapade en 17 étapes, attachez bien votre ceinture; il faudra 16 heures pour couvrir les 550 kilomètres.
1. 10h30. Départ de Bamako.
2. Arrivée comme prévu à Bougouni.
3. 17h30. Arrivée à Sikasso. Il faut changer de car. Ça, c'était pas prévu.
4. Le car "de rechange" est plein. Je suis parmi les neuf qui sont désignés pour faire le reste du trajet dans un vieux taxi Peugeot 505 qui ne tient vraiment qu’à un fil. Ça ne les empêche pas de mettre des tonnes de bagages sur le toit et dans le coffre. Je n’en reviens pas. Je m’énerve un peu, mais j’étais préparé mentalement je pense.
5. 18h30. Départ de Sikasso, très tassés. Il y a "seulement" 50 kilomètres vers la frontière et 125 de plus pour Bobodioulasso. Si près, et pourtant si loin!
6. Sur les 140 prochains kilomètres, sept contrôles policiers! À tous les vingt kilomètres!
7. 19h30. Contrôle de papiers (Mali).
8. Crevaison à 10 km de la frontière. On met le pneu de secours, il est usé à la fesse.
9. 20h. Frontière du Burkina! Contrôle de papiers. J’insiste pour avoir mon estampille dans mon passeport, je l’ai méritée!
10. 20h20. Contrôle policier à la mitraillette. Le Burkina est un état au passé militaire encore récent, ça explique les mitraillettes et les beaux uniformes, choses absentes au Mali. Aussi, dès qu’on a passé la frontière, j’ai remarqué que la route est en bien meilleure état, c’est frappant.
11. 20h45. Première douane. Réparation du pneu crevé. Arrêt de deux heures au total.
12. 23h30. Contrôle policier. Nous avons quitté Bamako il y a onze heures déjà. Songez que je me rendrai dans la jungle ivoirienne peu après. Ce sera quoi, bon sang!
13. Minuit trente, le lendemain. Arrêt pour une pause-café. Dans le fond, je suis détendu même si j’ai l’air de me plaindre.
14. 1h30. Deuxième douane. Cette fois, ils fouillent. Tout. Il y a des Tchadiens dans le taxi et j’ai l’impression que ce sont eux les louches. Je m’énerve pour la première fois, ça semble faire rigoler les autres. Je prends une marche pour me calmer. De toute façon j’ai tout mon temps.
15. 2h15. Contrôle policier, à la mitraillette encore. Un de plus, un de moins...
16. Nous touchons Bobo-dioulasso à 2h45.
17.
À 3h30, je suis couché, exténué, ASSOMMÉ, à la Casafrica (Villabobo),
sympathique petit hotel (voir chapitre suivant).
De ma vie il y a deux hôtels où j'ai été le plus heureux d'arriver: l'auberge de jeunesse de Gênes (Italie), et surout Villabobo.
Je prévoyais un voyage de 10h, il en aura pris seize et demi. Je suis passé par plusieurs émotions, mais je suis resté très patient, déterminé s’il le fallait à passer une nuit blanche et arriver le jour prévu à Bobo.
"Que veux-tu, c’est l’Afrique!"
Dieu merci, Bobo-Dioulasso sera
une belle récompense et une très agréable surprise.
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