©Éric Messier (Mensuel QUOI)
Youssou N’dour:
"Joko"
plus: "Nothing's in vain" (Sony)
MAGNIFIREK. J'étais à Dakar, le bled de Youssou,
quand un ami Africain m'a passé la cassette de la version africaine de "Joko".
J'étais déjà sous le charme. De retour au Canada, je mets l'édition internationale de "Joko" dans le
lecteur: huit chansons additionnelles! Le double d’un plaisir
déjà grand, même si l’édition africaine est plus rythmée et ainsi
quelque peu supérieure à mes yeux (My
hope is in you par exemple). N’dour, né à
Dakar en 1959, ambassadeur de marque de la musique du monde, touche un sommet d’inspiration et
d’authenticité.
Sur "Joko", celui qui nous a
donné Shaking the tree avec Peter Gabriel (qu’on retrouve ici sur This dream) et Seven
seconds away nous transporte loin des sonorités traditionnelles mballax pour construire des harmonies qui visent une
séduction universelle. Et elles séduiront
assurément, sans même que
l’artiste trahisse ses souches. Voilà donc
un métissage musical raffiné, parfait et doux auquel six
producteurs différents ont contribué en plus de N’dour
lui-même. N’dour chante 95% de "Joko" en Wolof, mais les paroles
sont en anglais sur la pochette.
Sur cet album, N'dour qui monta sur scène dès 1971 avec le Star Band laisse
éclater cette maturation en un brillant bouquet musical. Rythmes tantôt urgents, souvent
envoûtants jusqu’à l’abandon total; arrangements à
la fois finement étudiés et fluides; riches arrangement de
viriles inflexions vocales et de polyphonies propres au chanteur;
rendons-nous à l’évidence: "Joko" est l'oeuvre d'un artiste d’une grande magnanimité et d’une
intégrité artistique à toute épreuve.
Son disque suivant Nothing's in vain (Cono de creer) fait encore mieux que "Joko", si cela se peut, en perfectionnant cet amalgame de rythmes et sonorités africaines dans un cadre accessible à un public très vaste. Sa
version de "Il n'y a pas d'amour
heureux" plairait certainement à son créateur
Georges Brassens. Sur Nothing's in
vain, N'Dour est au sommet de son art
Irrésistible, édifiant, 10 / 10
N’Sync, No
strings attached (BMG)
On dégringole.
C'est à dessein que nous plaçons cet album juste après Youssou
N'Dour, pour montrer la grande insignifiance -du moins musicale- des hurluberlus de N’Sync. Ils ont fracassé, avec ce
second album, le record du plus grand nombre de disques vendus dans une
première semaine: 2,4 millions. Inquiétant!
Ces clowns Floridiens qui copient les quelconques
Floridiens Backstreet Boys maladroitement et sans scrupule (ils sont la création des mêmes businessmen) sont l’incarnation du nivellement par le bas tristement
caractéristique de la société de
surconsommation. En plus, la pochette est plagiée sur celle de
John Mellencamp (Mr Happy goes lucky). Faites un bon geste pour la conscience planétaire, cessez
d'acheter ces inutilités telles tous les autres Vengaboys et Britney Spears.
Très désagréable.
Violent Femmes, Freak magnet (EMI)
Ce trio de punk
acoustique originaire du Wisconsin, USA, avait fait une entrée
fulgurante en 1982 avec leur premier album éponyme. Apparemment
asynchrones comme des mutants ramenés accidentellement par une
folle machine du temps, les revoilà avec 15 morceaux qui nous
ramènent aux débuts de l’aventure-culte il y a presque
vingt ans. Rassurons-nous, Gordon Gano et ses potes Brian Ritchie et Guy
Hoffman, nés "à une autre époque, sont toujours aussi délinquants que les premiers
boutonneux venus, leur production est toujours crue et minimale et leur
discours toujours iconoclaste. Comme on les a toujours
aimés.
Et
puis merde on se défonce! 8 / 10
Marie Jo
Thério, La Maline (Sélect)
"La Maline" est difficile à commenter parce que c’est une
œuvre aussi extraordinaire qu’insaisissable. Thério s’est mis en
tête de concocter un opus qui nous jetterait en bas de notre
chaise. Et Dieu que c’est réussi, à force de cette
beauté, cette voix douce et ingénue, ce doux folk de
l’héritage acadien et cette inspiration blindée contre
l’auto-censure qui dilue souvent le travail des artistes trop
pressés de séduire les stations FM.
"Je suis imparfaite",
écrit Marie-Jo, "maladroite parfois, souvent, incapable de dire les choses ressenties
à l’instant où elles sont ressenties… ce qui me donne une
bonne excuse pour être chanteuse-musicienne. Là, j’ai
l’impression de faire qu’chose de spontané que je ne comprends
pas toujours mais qui ne ment pas. Et ça, ça me fait du
bien."
Nous aussi, n’en
doute pas, nous aussi. C’est pourquoi nous réécouterons
"La Maline" souvent, juste pour faire durer cette magie qui,
nous a-t-on trop souvent martelé, serait
éphémère et illusoire.
Charme
déroutant, 9 / 10
The million
dollar hotel, Trame sonore (Universal)
Il ne suffit pas de
réunir des gros canons pour nécessairement voir
apparaître un produit excitant. C’est ainsi que la convergence des
talents universellement reconnus des vieux potes Bono, Daniel Lanois,
U2, Brian Eno et Flood n’a pas empêché cette production
d’une qualité exceptionnelle et d’une facture
désarçonnante, de se complaire dans un obscurantisme
quelque peu ennuyant. Et pourtant cette oeuvre méritera sa niche
auprès des classiques du genre. Parmi les faits saillants, pas un
ni deux, mais bien trois remakes de Satellite
of love de Lou Reed (chantée ici par l’étonnante
Milla Jojovich, vedette du film), une version hispanophone d’un
monument du punk, Anarchy in the USA, et des paroles de l’auteur maudit
Salman Rushdie dans The ground
beneath her feet (U2), inspiré du livre du même nom
de Rushdie.
Magnifique
et soporifique, 8 / 10
The
Pearlfishers, The young picnikers (Page Music)
Ce groupe
écossais est surtout l’affaire de David Scott, qui avait
débuté sa carrière à titre d’artiste solo en
1992. Les Pearlfishers sont nés en 1990 de la collaboration
entre Scott et la formation Hearts and Mind, devenue les Pearlfishers.
En fait, The young picnikers est leur troisième album original.
Il faut absolument reconnaître aux Pearlfishers un charme fou,
instantané, et une habileté peu banale dans le champ du
pop mélodique tricoté serré,
légèrement jazzé, joli croisement entre XTC et
Crowded House. On fredonne le refrain dès la première
écoute.
Super
sympa! 8 / 10
Juliette,
Chansons et rimes (Sélect)
Cette
Française, se décrivant elle-même comme une «
chanteuse qui raconte des histoires », sait résolument se
démarquer en exploitant à fond et sans retenue son
impressionnant registre. Premier album en 1991, nomination aux Victoires
en 1993 (Révélation de l’année puis élue
à ce titre en 1996, elle en est à son sixième album
et elle a donné de nombreux concerts tous acclamés depuis
1991, culminant avec une série de six spectacles «
triomphaux » à l’Olympia en février 1999. Chansons
et rimes a été édité uniquement pour le
Québec. Voilà donc un beau cadeau, 14 pièces dont
toutes les musiques sont signées Juliette Nourredine (les paroles
sont confiés à d’autres auteurs), s’inscrivant toutes
dans la tradition des esprits torturés tels Jacques Brel et
Juliette Gréco.
Talentueuse,
7 / 10
J. Gaines &
Soul Attorneys, Another day (Sony)
Souvent difficile, le
second album… Ce trio québécois formé de
Éric Filto, Matthieu Dandurand et Jacques Gaines a
frappé fort dès son entrée en scène en 1996
avec la chanson So They Say.
De fait, ce premier album éponyme était vraiment
excellent… D’où les énormes attentes, après quatre
ans. Another Day, malheureusement, est plutôt inégal. Aux
rares pièces intéressantes (Another Day, Better Man; Divine
Intervention), MM Gaines et Aldo Nova (qui produit et
coécrit) n’ont trouvé, pour remplir le grand trou
restant, que des compositions qui n’ont rien du charme du premier
album. Et l’idée d’inclure le démo inédit de So They Say, vraiment poche, n’a
rien de génial.
Dommage, mou. La
prochaine fois, 5 / 10
Originalement publié dans le mensuel QUOI