YES "The ladder" et 5 autres
©Éric Messier (Mensuel QUOI)
Voir les textes sous l'image
(YES, THE LADDER) On l’a vu au
cinéma avec Jurassic Park et Godzilla: les dinosaures ont retrouvé la cote. Voici
donc la résurrection d’un autre monstre, le groupe culte
britannique brisant six ans de silence avec une succulente galette de 60
minutes.
Pour le bénéfice des profanes, rappelons que Yes
est un mutant qui a pris maints visages au gré de
nombreux changements de personnel orbitant autour du même noyau
d’incorruptibles: Jon Anderson (voix), Steve Howe (guitares) et Chris
Squire à la basse.
Le groupe avait
pris un virage commercial en 1983 sur l'album "90125", suivi en 1987 de "Big generator") avec le musclé
batteur Alan White relevant le Bill Bruford, le coloré
claviériste Tony Kaye remplaçant le pédant Rick
Wakeman et l'arrivée remarquée et remarquable du
guitariste Trevor Rabin.
Avait suivi en
1989 l’éclatant album éponyme "Anderson, Bruford, Wakeman,
Howe" puis "Union" en 1991, l'un de leurs "moins bons albums"!
Enfin, la même formation que sur "90125"
avait tenté de se refaire justice en 1994 avec "Talk", à
découvrir. N'empêche, depuis 20 ans et jusqu’à la
semaine dernière, les fans durs étaient restés sur leur faim.
Avec The ladder, les puristes voient une lueur
d’espoir. La vieille bande a retenu les services de Billy Sherwood et Igor
Khoroshev pour nous ramener dans le passé mais, ô bonheur,
en évitant la recette facile, la nostalgie
malsaine ou la duperie. On est charmé et cela malgré le grand
risque encouru en confiant la production à Bruce Fairbain.
Bien
que rien ne soit réinventé ici,
l’inspiration est au rendez-vous, les trouvailles sonores fourmillent et
l’ensemble reste cohérent et, surtout, ces surdoués d’un
autre temps démontrent qu’il n’ont pas perdu la touche, tout en
évitant d’en faire trop, pour une fois.
Invitant, sympathique, encore pertinent 8/10
DAVID
BOWIE, Hours
Continuons
avec le thème du rocker qui s’accroche de façon heureuse.
Major Tom nous a déjà proposé du travail plus
étonnant dans sa carrière phénoménale, pardonnons-lui donc ce
Hours inoffensif sur lequel il renoue avec Reeves Gabrel, son
complice de Tin Machine mais qui n’a rien à voir ici avec le
mordant de ce projet des années 80.
Hours est
agréable à l’oreille, léché, sans
surprise, et chaque coin a été soigneusement arrondi.
À la fois très mélodieux et mélancolique, il
aurait pu en être ennuyant mais l’écueil a
été évité avec "The pretty things are going to hell" et "The dreamers".
Il faut quand
même attendre la 5e pièce "Seven" pour que ça lève.
Vocalement,
Bowie se fait ici doux aliéné. On le sent à la
croisée des chemins, à l’heure des méta-regards
introspectifs (pas moins de 18 photos de lui). Sur
"Thursday’s child", il part le bal avec un constat étonnant: "All of my life I’ve tried so hard, Doing
my best with what I had, Nothing much happened all the same..."
Et l’album de s’achever sur un rythme et un ton obsédants:
"So it goes, Just a searcher,
Lonely soul, The last of the dreamers."
Quelle belle chose que
la maturité 7/10
BUSH,
The science of things
Le quatuor
californien revient avec plusieurs kilos à perdre sur The science
of things. Chargé, un peu trop. À trop vouloir
épater la galerie, The science… pèche par
excès du sombre et de la matraque. Mis à part quelques
rares sursauts d’inspiration (The
chemicals between us, Altered states), la troupe menée
par Gavin Rossdale se traîne les pattes et, résultat, la
sauce épaissit. Le précédent Razorblade
suitcase (1996), avec la même recette pourtant, s’en tirait
beaucoup mieux grâce à une production à la fois
aérée et mordante, et des riffs nets comme l’acier. On
assiste ici à un recul.
Décevant, 6/10
JEAN-FRANÇOIS FORTIER
Tous les critiques
l’ont déjà encensé et on ne fera pas exception
ici. Sur ce premier disque éponyme, Fortier étonne et
pique la curiosité. Avec ses refrains accrocheurs (Mon scaphandre, Je sens les choses,
L’intérieur de ma tête) ses proses
léchées (Seulement
qu’un miracle) et ses sonorités singulières (L’évier), ce jeune
auteur-chanteur-compositeur pourrait sans trop tarder devenir un
joueur de taille sur la scène rock francophone, comme Daniel
Bélanger l’avait fait dès son premier album. Car le
premier n’est pas sans vaguement rappeler le second. Le bassiste Guy
Tourville excelle aussi à la réalisation et aux
arrangements. Prometteur,
à surveiller, 8/10.
PET
SHOP BOYS, Nightlife
Pas de grands
changements sur Nightlife, aussi excellent que ses sept
prédécesseurs dans le genre dance-classique. Neil Tennant
chante toujours du nez mais on l’aime comme ça; quoique son
timbre tende à gagner (bien relativement) en sensibilité.
Encore une fois, le duo Tennant-Lowe nous a pondu une autre
flopée d’airs accrocheurs : I
don’t know what you want but, Happiness is an option et
surtout New York City Boy, un
autre emprunt flagrant aux Village People (souvenez-vous de Go West, sur Very). Le London
Session Orchestra est présent sur cinq pièces et les Pet
Shop Boys les coproduisent toutes.
Redondant, habile, harmonieux, comme d'habitude, 8/10.
CHARLIE
HADEN, Quartet West
Voici une belle
grande réunion autour du « très versatile »
bassiste Haden; qui s’adjoint pour l’occasion les Alan Broadbent
(piano), Ernie Watts (saxophone), Larance Marable (batterie), Shirley
Horn et Bill Henderson (voix) et le Chamber Orchestra pour une
vadrouille de 13 compositions, soit originales, soit provenant de films
ou de musicaux. La consigne d’honneur est la texture feutrée et
romantique dans cette production Charlie Haden / Ruth Cameron.
La haute classe, rêve assuré, 9/10.
NOIR SILENCE, Tout l’monde
Troisième opus
pour le quatuor québécois plus que jamais
décidé d’aller de l’avant et loin, après
les tests critiques des deux premiers albums. Ça tombe bien: pas
de ralentissement en vue, les gars sont de retour en forme, la
tête pleine d’idées et avec un album solide,
travaillé, généreux en succès potentiels:
"Ces gens-là", ";Qui s’unit", "Tout l'monde" (dynamite) ou C'est parce que... toi!
Quant à "Tu peux partir", c'est un clin d'oeil gros comme le bras (et avoué d’ailleurs) au groupe AC/DC.
Solidement
ancré, 8/10.
©Éric Messier 2024