Job
à l'étranger: solution au chômage ou évasion exotique?
©Éric Messier (La Presse)
Par un matin gris, assis au bureau, la tête ailleurs,
on a le fantasme facile de tout foutre en l'air.
Une publicité attire notre attention: "Faites carrière à l'étranger". On y évoque des pays exotiques comme la Bolivie, le Sénégal, le Cambodge. Et un film d'aventures se met en marche
dans notre tête.
Entre ces
rêveries et la concrétisation du projet, il
y a tout un monde et trois mots clés : réalisme, persévérance,
autodiscipline. Car si les rêves d'évasion sont à la portée de tous,
les responsabilités inhérentes au travail en exil le sont beaucoup
moins.
On estime à près
de 100,000 le nombre de Canadiens, des célibataires ou des familles,
qui oeuvrent dans un autre pays comme employés d'un gouvernement, d'une
entreprises ou comme coopérants «volontaires».
Pour chacune des
candidatures retenues plusieurs autres seront écartées parce que la plupart des candidats n'ont pas une idée juste de ce qu'est la réalité.
Peu d'élus adéquats
Les pays en développement, même en situation
d'urgence, n'attendent pas que le premier venu vienne à la
rescousse. Il doit posséder des compétences, être prêt à gérer un
bouleversement de ses habitudes et pouvoir faire face à un choc
culturel déstabilisant. Cela peut être un premier obstacle pour
plusieurs.
Jeanne Grégoire,
du Centre canadien d'étude et de coopération internationale (CECI) en
sait quelque chose: «Une dame qui m'a rencontrée l'autre jour
souhaitait enseigner à l'étranger. Quand j'ai voulu voir ses diplômes,
elle a répondu qu'elle n'en avait pas besoin!»
Le CECI reçoit un grand
nombre de c.v. mais peu font l'affaire. Comme la plupart des principaux
organismes de coopération (l'Association québécoise des organismes de
coopération internationale -AQOCI- en compte 45, dont le CECI, OXFAM
et CUSO; voyez son répertoire), les postes
comblés par le CECI sont d'une durée de 12 à 24 mois avec quatre semaines de vacances annuelles. Cela mérite réflexion...
avant le départ! C'est pourquoi il faut recevoir une
formation préparatoire.
Les coopérants
sont envoyés en Amérique latine, en Afrique et en Asie. Les plus grands
besoins sont en agriculture, développement communautaire,
administration en gestion, mais aussi en communication, la radio étant très utile dans les villages isolés privés de téléphone. La
motivation profonde du candidat est d'une importance capitale et elle
doit être auscultée, car les mythes sont persistants dans l'imaginaire
de plusieurs candidats.
Des
idées préconçues persistantes
«Ce travail
n'est pas une solution au chômage», prévient Claire Morand,
agent de recrutement au CECI.
«Nous n'offrons
pas d'évasion exotique. On ne peut accepter de candidats qui ne
cherchent qu'à fuir. Bien au contraire, ils doivent être déjà heureux
au Canada, être disposés psychologiquement à partir pour aller poser
des gestes de solidarité et d'engagement social.»
Parmi les
fausses idées persistantes chez les candidats, notons les suivantes :
«Ce travail sera affaire de tourisme, de voyages», «Mon travail
ennuyeux ici sera excitant là-bas», «Voilà une façon de fuir mes
problèmes d'ici», «Je pourrai mettre ma paie de côté et accumuler
beaucoup d'argent», «Je n'ai qu'à démontrer un esprit de sacrifice pour
décrocher un poste».
Pas plus que
pour le goût de l'aventure, on ne s'enrôle pas comme volontaire avec l'idée de faire un coup d'argent, sauf si on est embauché par une grande entreprise. C'est une mauvaise
motivation, explique Claudette Lalonde, de OXFAM: «Un coopérant reçoit
une allocation d'environ 1000$ par mois pour subvenir à ses besoins.
On est loin des salaires habituels du monde industrialisé.» En fait,
cela correspond grosso modo au salaire minimum en vigueur au Canada.
Remarquons qu'en général les volontaires n'ont pas à assumer les
frais de logement ou quelquefois de nourriture. Certains
organismes en défrayent une bonne partie. Les agents de projets, de
programmes et les directeurs régionaux reçoivent un salaire beaucoup
plus substantiel, mais contrairement aux coopérants ils sont engagés
par l'organisme et leurs responsabilités sont beaucoup plus grandes.
Pas des gros employeurs
Les organismes
de coopération ne sont pas des «gros employeurs». OXFAM compte une
centaine de volontaires autour du monde, dont 65 femmes et 35 hommes.
Ils ont en moyenne 39 ans et possèdent au moins un diplôme de premier
cycle universitaire. Ils interviennent en micro-économie, en
développement agricole, secours d'urgence, camps de réfugiés, gestion
des forêts, etc.
Médecins Sans
Frontières envoie des spécialistes de la santé dans les pays
touchés par la guerre ou qui vivent une situation d'urgence exigeant
des nerfs solides sur le terrain. Peu d'élus, donc, et pas de place
pour les touristes, mais une expérience exaltante, selon des
témoignages de participants.
Il existe
d'autres avenues. Les jeunes (les 18-35 ans) peuvent tâter
les projets de Jeunesse Canada Monde, les programmes d'échanges
étudiants, voire les kibboutz en Israël, à condition d'avoir une bonne
santé et d'avoir une réelle aptitude au travail en communauté.
Des
CV autour du monde
On voit deux façons d'aborder la longue démarche de recherche d'emploi à
l'étranger. La démarche «passive» consiste à s'adresser aux
organismes de coopération ou aux agences de placement, dont
Ernst & Young et Price Waterhouse, qui font affaires un peu partout
autour du monde.
À Montréal,
Services d'emplois outre-mer est un bureau voué à la compilation
de ces données qu'il vend sous forme de brochures. On y trouve
aussi d'autres documents contenant de précieuses informations sur les
principaux employeurs à l'étranger dans plusieurs professions. C'est la
méthode active, car une fois qu'il a obtenu les adresses, le
candidat est laissé à lui-même. Mais c'est là qu'on trouve
les emplois très bien rémunérés, quoique temporaires, et exonérés
d'impôts.
Ici-même au pays, les consulats des pays étrangers proposent aussi des postes à
combler et différents programmes d'échange de compétences.