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Drogues récréatives
S'intoxiquer
à mort pour le "fun"?
©Éric Messier (RG)
Partons du
principe que dans nos sociétés blasées, on s’ennuie, souvent, et donc la recherche
du plaisir personnel,
trait fondamental de la nature humaine, est devenue plus frénétique.
C'est ainsi qu'on a vu apparaître les partys rave,
événements para-religieux qui ont remplacé (quelle ironie pour une jeunesse prétendue self-made) les messes et les
curés, détrônés par les DJ. Ces événements ont vraiment toute l'allure de messes catholiques.
Et tout comme à l'église où l'hostie est sensé
nous faire tripper en faisant
entrer le Christ en nous, les ravers et autres clubbers ont aussi
leur drogue: des comprimés ou des solutions liquides
à la composition très douteuse: les GHB (gamma hydroxyburyrate), GBL (gamma butyrolactone) ou
simplement la "B" (butanediol), mais aussi la
kétamine (special K), la cocaïne, l’ecstasy, les
amphétamines (speeds, tina, crystal, meth), les poppers, le
viagra et l’alcool, qu'il ne faudrait jamais mêler aux autres substances.
On a découvert que ces produits contenaient parfois du "Drano".
Portons une attention spéciale
à la plus récente étoile montante de ces pilules
magiques: le GHB, ou swirl.
Hypnotise-moi
La substance
appelée "B" est un solvant chimique couramment
utilisé par les industries chimiques. Le GHB a été conçu à l'origine pour favoriser le sommeil et lutter
contre la douleur. On le trouve habituellement sous forme liquide dans
une petite fiole, mais aussi en poudre et en capsules. Son goût se
situe entre le salé et le savonneux (il contient des solvants
industriels). D’autres drogues comme le GBL ou le G ont une composition
voisine que le GHB et ont les mêmes effets une fois
ingérées.
Les drogues de
la famille des "G" sont des sédatifs hypnotiques.
Comme l’alcool, elles inhibent le système nerveux central,
provoquant un sentiment de relaxation ou d’euphorie. L’effet
apparaît après 10 à 60 minutes et peut durer entre
deux et 24 heures. Les effets désagréables comprennent le
sommeil, une perte de contrôle moteur, des spasmes musculaires,
des étourdissements et des nausées (bien sûr,
puisqu’il y a intoxication).
Une consommation à risque
Ces drogues sont
puissantes et comportent plusieurs risques. Une dose normale est une
cuillerée à thé mais le double de cette dose peut
causer la perte de conscience. C’est précisément pour
cette raison (la petite différence entre la dose qui fait tripper
et celle qui cause la perte de conscience ou des problèmes plus
graves) que le risque d’overdose avec les "G" est
élevé. Ces substances sont très
imprévisibles d’une personne à l’autre.
Consommer les
"G" en même temps que l’alcool peut provoquer la
mort. Et comme dans le cas de l’ecstasy, il y a des risques de
coups de chaleurs et de déshydratation quand on les consomme en
dansant toute la nuit. Quant aux risques à long terme de cette
consommation, ils n’ont pas été étudiés. On
sait en revanche que des personnes qui prenaient du « G »
sur une base régulière ont développé une
dépendance et des symptômes de sevrage
sévères nécessitant parfois l’hospitalisation.
En fait, comme
pour la plupart des psychotropes, la dépendance n’est qu’un
aspect du problème, et pas nécessairement le plus grave.
Les changements que cette consommation apporte dans notre vie et dans
nos relations le sont davantage.
Un témoignage
Christian, 29
ans, a consommé du GHB dans des after-hours montréalais
mais aussi, précise-t-il, dans des… "L'effet
recherché était un plaisir intense, dit-il, une
certaine euphorie, sur une courte période de temps; environ une
heure trente, et c'est ce que j’ai obtenu."
Christian
n’était pas particulièrement bien informé sur ce
produit, hormis l’avis de ses amis qui lui ont indiqué comment
l’ingérer en lui expliquant qu’il obtiendrait un effet similaire
à l’ecstasy. Il semble que la recette du GHB soit
disponible dans Internet. «La composante principale est, je crois,
fournie en milieu médical. Il y a environ cinq ans, le prix de
la fiole était de 10$ pour passer ensuite à 20$. Mais
avec les mises en garde survenues, les prix ont baissé. La
dernière fois que je m’en suis procuré, c’était 5$
la fiole. Il faut se rappeler que cette substance n’est l’objet d’aucun
contrôle. »
D’après
les observations de Christian, le consommateur de GHB est un clubber de 15 à 45 ans qui
consomme en même temps d’autres drogues comme l’ecstasy et la
marijuana. "Maintenant que le GHB est moins cher, il est plus
facilement accessible, notamment pour les jeunes. C'est malheureux car
ils sont mal informés sur ce qu’ils consomment
réellement."
Du Drano en fiole
"Il n’y a
aucune garantie sur la qualité ou la composition du produit,
continue Christian, et j’ai vu un reportage où on disait
que le Drano était le premier ingrédient du GHB.
Même si mon fournisseur m’a bien informé au début
sur les risques liés à cette consommation et la
façon de s’en remettre, les informations que j’ai à ce
sujet m’ont amené à arrêter d’en prendre." (Le Drano est un produit servant à déboucher les tuyaux encrassés).
Pendant ses
virées dans les raves,
Christian a observé que les gens consommaient du GHB en
même temps que l’ecstasy ou d’autres drogues de la même
famille, même si cette pratique est reconnue pour être
très risquée. “Ils font ça parce que le GHB a la
réputation de donner un boost à l’ecstasy.” C’est connu: si être informé c’est
avoir plus de pouvoir, l’ignorance est la mère de bien des maux
(et d’overdoses, pourrait-on ajouter).
Cela est
confirmé par la Electric Dreams Fondation (www.partysafe.com),
organisme américain à but non-lucratif pour la promotion
des comportements sécuritaires dans les party raves: “Le GHB ne devrait pas
être consommé avec l’alcool ou tout autre substance qui
cause une dépression du système nerveux. Ces combinaisons
ont causé des décès.”
La tendance de
certains jeunes clubbers a vouloir épater la galerie par leur
consommation (abusive) de psychotropes est un grand facteur de risque.
Le fameux mensuel Circuit Noize a publié cette mise en garde:
"La
plupart de ceux qui courent les circuits ont besoin de ces substances
qui altèrent leur psyché et les libèrent des
interdits sociaux et de leur cocon protecteur. Il faut dénoncer
cette culture de l’intoxication qui est bien enracinée. Nous
devons apprendre que la ‘responsabilité de party n'est pas un concept en
l’air. Il faut apprendre à distinguer l’auto-médication
de l’auto-destruction.”