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©Éric Messier (Mensuel QUOI)
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Peter
Gabriel, Ovo (Numuzik)
Frissons dans le dos: Peter Gabriel a marqué à sa façon le tournant du millénaire avec son événement multimédia OVO. Depuis la parution de Us en 1992 (et du
superbe concert conçu par Robert Lepage, puis de Secret World Live), le Britannique depuis longtemps Africain
d’adoption était surtout occupé à produire des
artistes "world" sur son étiquette Realworld.
Et le le revoilà avec un disque que certains considèrent comme universel. Ovo ne tournera pas
à la radio et il exige un apprivoisement, mais on reconnaît la
facture Gabriel.
L’histoire de
Ovo débute en 1997, quand Mark Fisher a invité Gabriel
à la création d’une "expérience
audiovisuelle" pour le London Millenium Dome. Les 60 minutes de Ovo racontent trois stades de notre
évolution. On passe de l’ère primitive agricole à
l’ère industrielle (actuelle) puis à une vision du futur,
l’harmonisation de la nature et de la technologie.
C’est l’album
où Gabriel, entouré d’une imposante équipe, chante
le moins. Il nous prévient: "C'est un vrai
mélange. On a inclus
des éléments d’Asie, d’Afrique, des Caraïbes, de
Moyen-Orient, des pays arabes, de l’Australie et de l’Europe, du 12e
siècle à nos jours."
Et pourtant, on ne s’y perd
pas. Ovo est une expérience spirituelle et signifiante. La preuve de son
génie réside aussi dans le fait que Gabriel, depuis
l’époque de Genesis, s’est toujours renouvelé sans se
perdre et en regardant toujours résolument vers l’avenir, avec
les promesses que cela implique. Le CD contient aussi une production vidéo.
Imposant et édifiant; 8/10
King
Crimson, The ConstruKction of Light (EMI)
Grande nouvelle, le rock progressif prétentieux n’est pas
mort... Témoin d’une autre époque pourtant pas si
lointaine, ce genre est typique d’une aventure glorieuse et
épique de la musique quand, fin années soixante,
début soixante-dix, les créateurs étouffés
dans les moules ont fait éclater les styles; d’où les
Genesis, Yes, Van Der Graaf Generator, Gentle Giant, Emerson Lake &
Palmer et autres King Crimson. D’ailleurs, Greg Lake de ELP faisait
partie du K.C. original en 1969 qui a tenu le coup à travers les
années 80 et 90, notamment avec les fameux Three of a Perfect
Pair et Discipline.
Comme il se doit, The ConstruKction… est un projet
complexe consistant essentiellement en des performances de musiciens
extrêmement habiles posées sur un canevas quelque peu
sombre, dénué d’émotions, plutôt lourd et
incohérent. Mais les fans devraient adorer. L’équipage de
cet album est plutôt respectable : le toujours hallucinant Robert
Fripp (guitares), Adrian Belew, Trey Gunn et Pat Mastelotto sont
soutenus par Tony Levin (Peter Gabriel) et Bill Bruford (Yes).
Néanmoins on n'en retiendra que peu de choses, outre la solide pièce-titre et
ProzaKc Blues que nous comparerons, hum, à un dix-roues de
gravier s’engouffrant à 100 à l’heure dans un
entrepôt de porcelaine (c’est un compliment).
Une
curiosité, ni plus ni moins; 6,5/10
Rik Emmett, Live at Berklee (EMI)
Ce Torontois est l’un
des artistes les plus respectés au pays et l’un des guitaristes les plus sous-estimés au monde (de
même qu’auteur et bédéiste). Depuis
qu’il a quitté en 1988 le trio power-rock Triumph, Emmett a produit plusieurs excellents projets
solos sur lesquels, bien entouré de son band,
il exploite à fond et brillamment son immense talent à
travers d'habiles compositions vadrouillant plusieurs
styles: rock, jazz, folk, flamenco, classique et blues avec sa voix caractéristique. Le blondinet qui emplissait jadis des stades
énormes prend un plaisir fou à offrir des concerts
dans des salles de 100 à 200 personnes, comme celui donné
à l’hôtel Mouton Noir de Wakefield, Québec, alors
que j’ai enfin pu lui serrer la pince! Rik Emmett, plus discret, a
gardé le respect de ses fans. Ce sont eux, par exemple, qui ont
organisé et fait la promotion des deux concerts unplugged donnés au Berklee College de Boston.
À découvrir, je le jure; 8/10. www.rikemmett.com
K.D. Lang, Invincible Summer (Warner)
Les critiques ont accueilli Invincible Summer à bras ouverts
avec raison. Cet album est tout simplement charmant et d’une
cohérence réconfortante. Tourné vers les
années soixante mais surtout sans facilité ni
complaisance, il regorge de mélodies solides tricotées
avec des arrangements de voix et de cordes (jouissives!) riches, suaves,
recherchés. K.D., qui nous avait donné Constant Craving,
s’est préservée de la redondance et, ça saute aux
oreilles, elle a eu un fun noir a créer Invincible Summer
et ce plaisir est réellement contagieux.
Brillant,
ensoleillé; 8/10 www.kdlang.com
Françoise Hardy, Clair-obscur (EMI)
Ce grand nom de la chanson française pop-yéyé-jazz
qu’on n’avait pas vu, en tout cas si solide, depuis un bail, livre ici
le résultat d’un excellent boulot. Comme il se doit, Clair-obscur
(paru au début juillet) est placé sous le signe de la
mélancolie, mais cette tristesse se laisse néanmoins
approcher sans grand risque, on s’y abandonne sans casse. Parmi les
moments forts de ce CD doucement mais résolument jazzé,
on remarquera les collaborations du gentleman cambrioleur Jacques
Dutronc, mari de Hardy, Étienne Daho et Iggy Pop lui-même
dans une interprétation duo ultra-cool de I’ll be seeing you,
popularisée par Billy Holliday; ça vous donne une
idée! Bref, recommandable.
Aussi beau que fragile; 7,5/10 www.francoise-hardy.com
Era, 2 (Song Entertainment / Universal)
Dans la lignée de Enigma (permettez la comparaison), le
Français Éric Lévi récidive avec bonheur
dans ce second album enregistré à Prague et qui s’est
vendu à coups de mille copies par semaine dès sa sortie au
Québec en juin. Le premier s’est écoulé à
4,5 millions d’exemplaires dans le monde, pratiquement sans jouer
à la radio, c’est tout dire. C’est que Lévi a visé
dans le mille avec ce savant mariage de thèmes religieux et
baroques, de rock et de guitares.
Le résultat est vraiment
fascinant, à la fois mystérieux, atmosphérique et
solide. Le premier extrait, Divano, de même que Sentence sont
particulièrement lumineux. En fait, cet album est un pur
délice mur-à-mur et on saura apprécier que s’il ne
compte que neuf pièces (outre la courte conclusion) elles sont
toutes bien ficelées. « Les mouvements d’Era 2 semblent se
dessiner au gré des tentations, des renoncements et des
souffrances dans cet affrontement entre l’obscurité et la
lumière… »
Un baume
rafraîchissant; 8/10 www.universalcanada.com
Holly
Cole, Romantically Helpless (Universal)
Notre sélection jazz du mois ramène enfin cette figure de
proue de la scène canadienne. Cole n’a jamais eu peur d’explorer
des avenues parfois moins assurées, plus risquées, et la
plupart du temps l’aventure est un succès parce que cette artiste
passionnée en douceur et imaginative sait injecter son
enthousiasme si caractéristique dans sa musique. Et voilà
Romantically Helpless qui ne fait pas exception, bien au contraire.
Depuis son premier album en 1990 et surtout Blame It On My Youth (1992)
sa voix douce et sophistiquée a gagné toujours plus de
maturité. La chanson titre, puis One Trick Pony (de Paul
Simon), If I Start to Cry et Don’t Fence Me In (de Cole Porter)
sont autant d’exemples d’excellence. Attention, le « Holly Cole
Trio » est de retour ici, mais accompagné d’une dizaine
d’autres musiciens, d’où la richesse de l’ensemble.
Jazz populaire
contemporain à son mieux; 8,5/10 www.hollycole.com
Peter Green with Nigel Watson, Hot
Foot Powder (YDGS)
Un autre heureux retour. Green s’est fait connaître à la
fin des années soixante comme leader de la première
édition du groupe Fleetwood Mac, devenu un géant mondial
à partir de 1975, quand Green n’y était plus… Cependant le
talent du guitariste en matière de blues est
démontré avec éloquence sur ce petit album,
très Clapton de la première époque et ma foi fort
sympathique et chaleureux. Faut dire que Peter (guitare slide, voix,
harmonica) s’est entouré de grands noms, jugez vous-mêmes :
Buddy Guy, Dr John, Otis Rush, Roger Cotton… En 1999, le
Robert Johnson Songbook de Green et Watson a été
voté album retour de l’année par la prestigieuse Blues
Foundation. Hot Foot Powder n’est surtout pas piqué des vers non
plus merci! Le
plaisir d’avoir les bleus; 7/10
Pete Escovedo, Emusic, 7/10
Tito Puente, Party With Puente!, 8/10 (Song Entertainment)
Nos sélections jazz latin du mois. Pete Escovedo,
percussionniste et compositeur, 65 ans de vie et cinquante ans de
carrière, propose avec Emusic (coproduit par Sheila E – Escovedo)
un fort joli écrin de pièces originales basées sur
les standards du genre, mambo, salsa, samba et autres. Quant à
Tito Puente, décédé récemment, il est celui
qui a écrit Oye Como Va popularisée par Santana et dont
on a ici la version 110 volts du maître lui-même. Party
With Puente! est une excellente compilation des meilleurs cha-cha,
mambos et salsa de ce Portoricain, Newyorkais d’adoption. Deux
sélections classiques dans le genre.
Nous avons
aussi écouté :
Motley Crüe, New Tattoo (EMI). Il aurait été plus simple de passer sous silence ce
retour de Vince Neil, Nikki Sixx, Mick Mars et Randy Castillo, mais je
tenais à signaler que c’est complètement, mais alors
complètement nul, archi-dépassé et d’un ridicule
consommé (0/10)
Everclear, Songs From an American Movie (EMI). Tout comme le nouveau Richard Aschcroft (Alone With Everbody)
(EMI), voilà le genre d’album power-pop bien écrit qu’on
aime tant pour ses mélodies soigneusement fignolées, mais
qu’on voit pourtant vite s’effacer de notre mémoire, pas
impressionnée pour autant. Dans les deux cas, 6.5/10.
Alain Bashung, Climax (Universal). Voici, enfin, la «collection définitive» du grand
Français iconoclaste, imprévisible et fonceur qui a
fortement marqué la pop française et surtout la
redéfinition de celle-ci. Climax s’impose donc comme un
incontournable avec ses 38 pièces dont quelques inédites
dans un superbe emballage. Sans reproche, 10/10.
(Originalement publié dans le mensuel QUOI, Médias
Transcontinental)
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©Éric Messier 2024 |
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